Le dernier "Jeudi de la sécurité" s'est tenu le 30 mai 2024 à l'Espace Hamelin à Paris. Cette édition a mis en lumière les défis et les enjeux liés à la sécurité des frontières, en se concentrant d'abord sur l'exemple de Mayotte, avant de s'ouvrir à une table ronde plus large explorant la législation récente et les solutions technologiques innovantes disponibles.

La députée de Mayotte appelle à une intervention européenne pour le renforcement des frontières

 

L'événement a débuté par une interview d'Estelle YOUSSOUFFA, députée de Mayotte et membre de la Commission des Affaires étrangères, réalisée par Mélanie BÉNARD-CROZAT, rédactrice en chef du magazine S&D. Estelle YOUSSOUFFA a parlé avec sincérité des problèmes que posent le contrôle des frontières et l'immigration de masse à Mayotte, en particulier en raison de la zone grise dans laquelle se trouve le territoire, l'ONU ne reconnaissant pas sa frontière avec les Comores, malgré le fait que la population de Mayotte ait voté pour rester en France tandis que les Comores ont choisi de se séparer. La députée a cité la disparité économique entre la pauvreté aux Comores et la situation à Mayotte comme motivation de la migration massive vers l'île, qui en 20 ans est passée d'une population presque sans Comoriens à 60 % de la population aujourd'hui. Selon Estelle Youssouffa, cette migration massive a mis une pression significative sur les systèmes d'éducation et de santé du territoire, provoquant même des épidémies de choléra et un manque de places pour les enfants mahorais dans les écoles. Elle a appelé à l'intervention de Frontex et de l'Union européenne, comme en Italie et en Grèce, en citant que Mayotte, en tant que territoire français, est « une frontière sud de l'Union européenne » et une « porte d'entrée vers l'Europe ». La députée a souligné l'exaspération et le désespoir de la population de Mayotte face à ce qu'elle considère comme une « crise migratoire » et a insisté sur l'importance pour le gouvernement français et l'Union européenne de protéger ses frontières.

Après l'interview d'Estelle YOUSSOUFFA, Mélanie BÉNARD-CROZAT a passé le micro à Amélie RIVES, responsable du contenu au magazine S&D. Amélie Rives a animé une table ronde sur le thème "Sécuriser les frontières et protéger les citoyens" avec Frédéric PERLANT, membre du PCN Cluster 3 – Horizon Europe pour le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; Damien BAJARD, directeur des ventes grands comptes chez Elistair ; et Tania RACHO, spécialiste des droits fondamentaux, des droits de l’UE et des droits internationaux pour l'Agence européenne pour l'asile. Chaque expert a abordé le sujet en fonction de ses antécédents et de sa perspective industrielle, offrant une vue d'ensemble sur le sujet.

 

Contrôle des frontières : Trier ceux qui ont droit à l'asile

 

Tania RACHO a commencé par discuter du Pacte européen sur la migration et l'asile, une réforme des règles européennes pour le contrôle des frontières extérieures de l’Europe. Elle a souligné que le Pacte a été récemment introduit et qu’une série de règlements ne sera applicable qu’en 2026, il n’est donc pas encore possible de mesurer l’impact. Le principal objectif du Pacte est de trier les immigrants illégaux qui arrivent spontanément aux frontières extérieures de l'Europe entre les réfugiés potentiels et ceux qui ne sont pas éligibles à l'asile. Elle a cité que ces immigrants illégaux représentent actuellement environ 30 000 personnes par an, soit 0,5 % de la population européenne.

L’Union européenne classe les personnes arrivant illégalement comme des arrivées mixtes et s’assure donc que ces personnes passent par des centres de tri, des centres de rétention, où elles seront soumises à plusieurs tests, y compris des tests de vulnérabilité et d’état de santé, ainsi qu'à une vérification approfondie des bases de données de l’Union européenne. Un contrôle général du profil de la personne sera également effectué.

Tania RACHO a souligné que ce qui est nouveau dans le Pacte est l’idée de rétention et de tri aux frontières. Elle a indiqué que le défi technologique pour ce projet est l’interopérabilité entre les bases de données, ce que l'Union européenne a du mal à surmonter, car cette interopérabilité entre les différentes bases de données a été décidée en 2019, mais n’a toujours pas été mise en place en raison de la complexité de déterminer comment différentes autorités, n'ayant pas accès à toutes les bases de données, pourront disposer d’informations générales via une seule plateforme.

Amélie RIVES a interrogé Tania RACHO sur la récente réforme du Code Schengen permettant aux États membres européens de renforcer ou de réintroduire des contrôles à leurs frontières, c'est-à-dire aux frontières internes, pendant une durée allant jusqu’à trois ans. Tania Racho a expliqué que cette réforme est finalement « une adaptation légale de ce qui existe déjà », car de nombreux États membres renouvellent déjà leur droit de contrôler les frontières internes pour diverses raisons de sécurité à chaque fois.

 

Solutions innovantes de contrôle des frontières adaptées aux situations concrètes

 

Frédéric PERLANT a déclaré qu’en matière de contrôle des frontières, nous faisons face à un double défi : « nous voulons faciliter le franchissement des frontières pour tout ce qui est légal, tout ce qui est légitime. Et d’un autre côté, nous voulons bloquer tout ce qui est illicite, tout trafic de biens et de personnes, de terroristes, de piraterie et d’autres actes criminels. »

Il a expliqué que jusqu'à présent, l'approche utilisée pour le contrôle des frontières a été « très réactive ». Des systèmes ont été mis en place pour réagir aux problèmes frontaliers, ce qui, selon lui, doit changer. « Nous essayons de passer à une approche proactive en nous concentrant sur la prévoyance et l'anticipation. »

 

Drones : Protéger les citoyens et sauver des vies

 

Damien BAJARD s'est principalement concentré sur l'utilisation des drones dans le cadre du contrôle des frontières. Il a expliqué que les drones sont de plus en plus déployés dans les secteurs de la sécurité et de la défense, notamment pour « tout, de la lutte contre les incendies à la sécurité civile, en passant par les unités du Ministère de l'Intérieur et la DNRED ». Pour Damien BAJARD, les drones sont « un outil fantastique, facile à utiliser, qui offrira des capacités d'observation et de surveillance venant compléter celles des avions ou des hélicoptères ». Dans ce contexte, il a précisé qu'Elistair fait « partie de cette évolution technologique pour la surveillance des frontières terrestres et maritimes ».

Il a souligné l'importance de ne pas adopter une « vision trop militariste des drones » et de se concentrer sur les innovations utiles qu'ils peuvent apporter : « Je souhaite vraiment que nous mettions de côté cette vision guerrière des drones pour nous concentrer sur tous les aspects positifs qu'ils peuvent offrir, avant tout, ils peuvent aider les gens. » Selon Damien BAJARD, il existe certaines « barrières psychologiques » à la mise en œuvre des drones, notamment en France, car les gens craignent qu'ils n'envahissent l'espace aérien et causent des accidents. Il a réfuté cela en affirmant que « la technologie des drones d'aujourd'hui permet une cohabitation en toute sérénité ». Il a cité que le Ministère de l'Intérieur français avait émis une demande d'information sur la technologie des drones et qu'il y avait également eu une demande d'information pour l'utilisation des drones dans le cadre de la surveillance maritime de Mayotte : « nous sommes constamment à la recherche de nouvelles technologies qui faciliteraient le travail sur le terrain ».

En ce qui concerne les améliorations techniques, Damien BAJARD a admis que les conditions météorologiques défavorables avaient encore un impact important et que c'était la principale zone de progrès pour les drones.

Damien BAJARD a souligné l'importance des retours d'expérience des acteurs sur le terrain qui opèrent effectivement des drones et travaillent avec d'autres systèmes. Il a expliqué que lui et son équipe sont souvent sollicités pour intégrer les drones dans des systèmes complets et collaborer avec d'autres systèmes. Bien que les drones soient utilisés depuis deux ou trois décennies, il a insisté sur le fait que nous sommes encore « aux premiers stades », tant dans les secteurs militaire que civil, et que ce sont les retours d'expérience des utilisateurs et des personnes opérationnelles qui permettent aux fabricants de progresser.

Rendez-vous du 18 au 21 novembre 2025 sur Milipol Paris, l’évènement leader mondial dédié à la sureté et à la sécurité intérieure des états.

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