Jeudi de la Sécurité #30 : Focus sur le dispositif sécuritaire des JOP 2024

Une mobilisation sans précédent pour un événement hors norme

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 se sont déroulés dans un contexte particulièrement complexe. Entre le 26 juillet et le 8 septembre, la France a accueilli près de 13,5 millions de spectateurs, 15 000 athlètes et 50 000 volontaires répartis sur 37 sites olympiques, certains situés à des milliers de kilomètres de Paris. Ce contexte a exigé une vigilance renforcée face aux menaces potentielles, qu’elles soient physiques ou cybernétiques.

L'intervention du Général Christophe HUSSON, chef du commandement du Ministère de l'Intérieur dans le cyberespace, a permis de mesurer l’ampleur du travail réalisé pour sécuriser l’événement face aux cybermenaces. Le Général a révélé que, malgré un volume d’attaques attendues, le nombre réel d'incidents en lien direct avec les Jeux Olympiques fut relativement modeste : seulement 104 sur 481 attaques revendiquées sur le territoire national durant cette période. Néanmoins, il a souligné la nécessité de développer des outils avancés comme une plateforme de Cyber Threat Intelligence, indispensable pour traiter la masse de données collectées : « Cette masse de données ne pourra pas être traitée par des analystes seulement, nous avons besoin d'outils technologiques ».

La coordination des parties prenantes : un défi relevé

La gestion d'un tel événement ne se limite pas à la cybersécurité. La coordination entre les différents acteurs, publics et privés, a été l’un des principaux défis relevés par Christophe DELAYE, conseiller en charge de la sécurité à la Délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP). Il a rappelé les difficultés initiales à faire travailler ensemble des entités qui n'étaient pas habituées à collaborer étroitement : « Il a fallu s’adapter en permanence et surtout se coordonner pour faire travailler ensemble des personnes qui ne se parlaient pas forcément. Ce n'était pas naturel au début ».

Malgré les crises traversées par la France au cours des sept dernières années (mouvement des Gilets jaunes, pandémie de Covid-19), Paris 2024 a tenu son cap et a su s'adapter continuellement. Christophe DELAYE, a insisté sur l'importance de capitaliser sur les réussites des Jeux pour préparer les prochaines échéances internationales, comme les Jeux de Milan, Los Angeles ou Dakar. Il a également mis en avant le rôle crucial de la sécurité privée et la manière dont elle a travaillé de concert avec les forces publiques : « Il a fallu mettre tout sur la table des entités qui ne se parlent pas forcément d’habitude, notamment entre le service public et la sécurité privée ».

L'engagement de l'industrie de la sécurité

Un autre aspect clé du succès des JOP 2024 fut la contribution des industries de la sécurité. Gérard LACROIX, délégué général adjoint à la sécurité du GICAT (Groupement des Industries de la Construction et des Activités de la Sécurité), a exprimé la fierté des industriels qui ont su travailler main dans la main avec les pouvoirs publics pour offrir un environnement sécurisé. Dès 2018, une véritable « équipe de France des industriels » s’est constituée pour répondre aux exigences de sécurité de ces Jeux, un effort qui a permis de créer une synergie entre grandes, moyennes et petites entreprises du secteur.

Ce dernier a souligné l’importance de cette collaboration : « Nous avons réussi à construire cette équipe de France. Les grandes entreprises travaillent désormais avec les petites et les moyennes, et vice-versa ». Ce partenariat étroit entre les acteurs de la sécurité et le Ministère de l'Intérieur a non seulement permis de moderniser les capacités de la puissance publique, mais également de pérenniser cet héritage pour les futurs événements majeurs.

Le rôle central de la justice et des forces de sécurité

Le dispositif sécuritaire des Jeux Olympiques 2024 n’a pas seulement impliqué les forces de sécurité et les technologies de surveillance. La dimension juridique fut également primordiale. Éric MATHAIS, Procureur de la République près le Tribunal de Bobigny, a expliqué comment le système judiciaire s'est préparé à une augmentation potentielle des infractions liées aux Jeux, avec un renforcement significatif des capacités de jugement : « Nous avons quasiment doublé le nombre de magistrats de permanence, et renforcé les capacités des juges correctionnels et des juges pour enfants ». Toutefois, les attentes en termes de volume d’affaires liées aux JO ne se sont avérées moindres. « On s’attendait à un déferlement d’affaires, mais le dispositif a été tellement massif en termes de sécurisation, surtout en Seine-Saint-Denis, qu’il y a eu très peu d’incidents ».

Cette préparation a permis de traiter des dossiers non liés aux Jeux, notamment en matière de violences intrafamiliales, qui ont connu une augmentation de 50 % durant cette période. MATHAIS a insisté sur le fait que la justice a su adapter ses moyens pour répondre aux besoins spécifiques des Jeux tout en garantissant le traitement rapide et efficace des affaires courantes. L'innovation technologique au service de la sécurité Les technologies de pointe ont joué un rôle essentiel dans la sécurisation des sites olympiques, notamment en matière de lutte contre les drones. Le Colonel Daniel PARPAILLON, commandant en second de l'État-Major interarmées, a évoqué les défis posés par la prolifération des drones, qui pouvaient représenter une menace directe pour la sécurité des compétitions. La capacité à identifier et neutraliser ces drones tout en protégeant les « drones amis », utilisés à des fins sécuritaires, a été un enjeu majeur. Le Colonel Daniel PARPAILLON a souligné que la lutte anti-drones était un domaine relativement nouveau, et que les leçons apprises des JOP 2024 devront être consolidées et appliquées à l'avenir.

De son côté, Benoît DELPIERRE, responsable technologie en charge des Jeux Olympiques pour Eviden, a mis l’accent sur l’importance de la réactivité face aux incidents. Avec 850 incidents recensés, la stratégie d'Eviden s’est concentrée sur la détection des signaux faibles pour anticiper et réagir rapidement : « Le temps entre la détection d’une attaque et notre action est court, et nous devons continuer à réduire ce temps car chaque minute compte ». L'expérience des JO servira de modèle pour l'amélioration future des systèmes de sécurité, avec une approche de plus en plus prédictive.

Un héritage durable pour la sécurité des grands événements

L'événement s’est conclu par un retour d'expérience poignant de Grégoire BIREAU, athlète de l'équipe de France de para-aviron et réserviste citoyen de la Police nationale. Au-delà de son parcours sportif impressionnant, l’athlète a partagé son ressenti quant aux dispositifs sécuritaires pendant les Jeux : « Je souhaite donner une image très positive de la Police et de toutes les forces de sécurité. Nous pouvons être fiers de nos forces de l’ordre ».

Ces Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 laissent donc un héritage durable, tant pour les forces de sécurité que pour les acteurs privés. L'ensemble des intervenants s’accorde à dire que les enseignements tirés de cette expérience serviront de base pour les prochaines échéances internationales, avec un souci constant d'amélioration, de modernisation et de collaboration.

En somme, cette édition des Jeudis de la Sécurité a permis de dresser un bilan complet de la gestion de la sécurité des JOP 2024 et a ouvert la voie à des réflexions profondes sur les futurs défis sécuritaires mondiaux. L’engagement collectif des forces publiques, des industriels et des experts a permis de garantir la sécurité de millions de personnes, et les leçons tirées de cette mobilisation sans précédent seront précieuses pour l'avenir.